Il est des artistes qui résonnent comme un mystère, précédés d’une réputation indéfinissable, mais ça, je ne le redirai plus.
Je connais Jacques Bertin, depuis longtemps, parce que ma chérie, férue de poésie, achetait chaque nouvel album de JB à sa sortie.
A cette époque j'étais un folkeux, un guitar-picker et un mauvais garçon (je le suis toujours !) qui voyoutais la nuit sur la lande avec Béranger, Bertin et son côté prêtre ouvrier ne m’ouvrait pas à l’extase, et je le quittais ici, sans vergogne, à l’heure du athée !
Je rencontre le Grand Homme trente ans plus tard, les même tracas les mêmes déboires, on se rend compte qu’on a des Béranger en commun , lui Pierre Jean, et moi, François, pas si éloignés finalement !
Depuis que l’internet grand public existe, j’ai pris l’habitude de regarder des vidéos des artistes pour qui je dois faire le son, pour mieux précéder si possible, leurs demandes, et là quelle n’est pas ma surprise, et la perspective d'une soirée compliquée à gérer en voyant Monsieur Bertin se déhancher derrière son micro, un SM 58 pour être précis. Ce micro chant est le micro de scène le plus vendu dans le monde depuis 1966, mais pour se faire entendre, encore faut-il chanter dedans….et pas deux mètres à côté ! Comment vais je faire ?
L’heure de la balance approche et je vois JB précédé de sa réputation entrer dans la salle. Un salut un peu froid avant le show, bien que ce ne soit pas franchement le mot, on va employer récital, ce sera plus approprié ! Réglage guitare, puis voix, Jacques me précise de ne plus toucher à rien, il gère. Et laisser un projecteur allumé en halo sur sa guitare, pour la tenue de l’accordage...
Et là, je découvre après toutes ces années de concerts en tous genres, en tous lieux, en toutes circonstances, oui, je découvre cet homme seul, qui en phase avec sa poésie, est celui qui sait le mieux apprivoiser un micro et donner une telle distanciation aux mots qu’il véhicule...Les mots qui viennent de loin et ceux que l’on doit gueuler. J’étais à ce moment, seul avec Bertin, et une fois toute technique bue, je passai une de mes soirées technico-poétique des plus agréables !
On se revit deux ans plus tard, Jacques Bertin ayant réalisé un film sur Jean Dufour, l’un des grands agents artistiques de la place de Paris, réputé pour son intégrité. Jean Dufour signa le premier contrat professionnel de Jacques Bertin, qui ne l’a jamais oublié.
On s’est à nouveau retrouvé, hors programmation en juin 2017, pour les obsèques de notre ami commun, Jean Dufour. Jacques Bertin était le seul artiste présent...